L’école, milieu « protecteur » ?

À l’école maternelle, les pressions de l’environnement
social sont plus pernicieuses, parce qu’elles s’exercent de
façon moins explicite, et parce qu’une sorte de consensus
mou s’est établi sur la représentation de la petite enfance.
Les visées commerciales sur le jeune enfant et sur sa
première école sont pressantes. C’est inévitable, mais ce
qu’il faut observer surtout, c’est leur utilisation de « valeurs »
plus ou moins obscures, comme le « bien-être », assimilé au
simple confort.
D’autre part, le petit enfant est naturellement considéré
comme un objet fragile, objet de tendresse et de sollicitude.
Mais cela ne constitue pas une définition, donc ne nous
donne pas d’orientations sur la conduite à tenir.
Méfions-nous de « cette sollicitude qui, en se bornant à
protéger, protège paradoxalement du pouvoir de grandir »
(voir Ditte, Durif, Mercier, op. cit.). Le seul « filtre » réellement
actif dans cette affaire, c’est l’enfant lui-même. Ce qu’il
faut protéger avant tout, c’est la capacité du jeune enfant
à prendre conscience des situations qu’il vit. Il s’agit moins
d’écarter les « mauvaises influences » qu’il pourrait subir
que de l’armer pour choisir en connaissance de cause. Et il
semble que cela nous soit plus difficile avec les tout jeunes,
parce que nous n’avons peut-être pas assez confiance dans
leurs capacités.
Un mot sur la vision que les enseignants ont des familles
« défavorisées » : vision négative a priori, qui amène
inconsciemment à « compenser » à l’école ce qui constituerait
un « déficit » social. Au lieu d’engager un dialogue avec les
familles, on en arrive à une attitude de protection qui fait un
peu vite abstraction de la manière dont l’enfant perçoit son
milieu familial. On passe de l’école « protégée » à l’école
« protectrice » et, ce faisant, on frôle l’abus de pouvoir.

Extrait du livre :

100 idées pour une éducation civique

Marie-Lou Bernard, Henri Berquin

Collection 100 idées, Editions Tom Pousse, 2010

ISBN : 978-2-35345-030-5, Prix : 12€